Res Publica, chasse gardée.

La boite de pandore a semble-t-il était ouverte ces derniers temps.

«Pour la délinquance, chacun sait qu’il y a des liens avec l’immigration, c’est souvent pas correct de le dire, mais chacun le sait». C’est un sophisme que d’affirmer qu’immigration et délinquance sont liées comme semble le soutenir un Frédéric Lefebvre qui après avoir goûté une vacance médiatique prépare sa rentrée en cette période estivale. La ficelle est grosse mais elle semble fonctionner au vue du récent sondage IFOP commandé par le Figaro.
Sans rentrer dans un débat sociologique sur les origines de la délinquance, son lien avec la pauvreté et le lien tout aussi évident qui existe entre immigration et pauvreté, interrogeons-nous : peut-on réellement dire tout haut ce que chacun dit tout bas ?

La cohésion d’une nation est le fruit du partage d’un certain nombre de valeurs cardinales qui cimentent les liens entre citoyens et concourent à renforcer le sentiment d’appartenance à un pays. Si l’Afrique noire fragmentée, forcée par la décolonisation à se découper en frontière étatique plus ou moins arbitraire, regroupement hâtif d’ethnies hétérogènes, ne suffit pas à convaincre, l’exemple belge en est un autre éloquent.

Certains pays ont su se forger aisément une même identité. Je pense aux pays nordiques, peu inquiétés par les flux migratoires au cours des derniers siècles (la Scandinavie ayant d’ailleurs été une seule et même nation pendant plusieurs siècles) ou la Grande-Bretagne dont la spécificité géographique l’a mise à l’abri d’incessants déchirements.

Ce n’est pas le cas de la France. L’idée républicaine française quand à elle est issue d’une longue évolution faite d’intégration depuis l’empire romain. Située au carrefour de l’Europe, elle est le fruit dans ses frontières géographiques actuelles d’un rassemblement de peuple aux origines hétérogènes. Elle a une longue tradition d’accueil avec des réussites plus ou moins grande selon les époques.

La solidarité nationale est le fruit de cette cohésion. Personne ne trouve à redire lorsqu’il faut refaire les digues des sinistrés de la Faute-sur-Mer et la tristesse est nationale lorsque nos soldats périssent sous le feu en ces terres lointaines d’Afghanistan. C’est une solidarité qui a été longue à construire et c’est d’ailleurs celle-là même qu’il nous reste à bâtir pour l’Europe. Sans cohésion nationale, nul nation. Sans nation, nul pouvoir politique.

L’idée même de la déchéance de la nationalité dont les conditions d’application seraient différentes selon que l’on soit français d’origine ou français naturalisé met en péril l’un des remparts idéologiques au service de la cohésion de la nation française.
Inscrire dans le marbre l’égalité de tous les français devant la loi n’est pas qu’une parade d’intellectuels « coupés des réalités » mais une réelle nécessité d’affirmer, de graver à l’épreuve du temps un certain nombre de principes auxquels chacun pourra se raccrocher. Les cultures, à travers la France, sont nombreuses et ces principes, intangibles sont le ciment de notre république. Et quand bien même les faits iraient à l’encontre de cette réalité, il est heureux de pouvoir constater qu’est inscrit à l’entrée de chaque bâtiment public un idéal que chacun s’efforce d’atteindre. Cet idéal est une force, un moteur, une idée vers laquelle la société, la république, la nation s’efforce de se diriger de toutes ses forces. Cet idéal nous rassemble.

Ernest Renan avait prononcé les mots suivants, lors de sa célèbre conférence à la Sorbonne le 11 mars 1982 Qu’est-ce qu’une nation ?, en réponse à la notion germanique, notion davantage éthniciste de la nation :

L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de coeur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation.

Las. Bas les masques. Le pragmatisme anglo-saxon à la sauce française est arrivé. La froide réalité nous a douchés. Ce qu’affirment nos gouvernants, c’est la fin de cette idéologie. Au nom de la vérité -déjà sujette à caution-, on met à bas le pacte républicain. Deux catégories de français sont souhaitées par la présidence. On sera plus ou moins français, on appartiendra plus ou moins à la France. Une fois cette réalité consommée, que nous restera-t-il ? Des lambeaux de peuples aux origines différentes. Le communautarisme nous guette. Je préfère l’angélisme porteur d’espoir que la triste réalité synonyme de renoncement.

Le calcul tactique politicien est évident. « Paris vaut bien une messe »,  affirmait Henri IV. Pour rester au pouvoir, on est parfois prêt à bien des compromissions.
La tactique court-termiste du pouvoir en place (au-delà de 2012 semble être un brouillard que nulle vision politique ne vient lever) pourra peut être sauvé quelques têtes mais on ne clive pas les français sans dommages.

« Je me défie de la prose qui dit des choses vraies. Il n’est pas difficile de dire des vérités; il s’ouvre un désert de vérités. » Alain

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