La gradation des peines

Assis tranquillement dans ma voiture, j’écoutais France Info et une dépêche relate les propos d’Henri Guaino, conseiller spécial du président de la République, propos fidèlement retranscrit par le site du figaro.fr. En l’espèce, s’émouvant qu’un chauffard ivre sans permis, ayant déjà subi un test d’alcoolémie positif quelques temps auparavant (été 2010) renverse et tue trois personnes, il a tenu les propos suivants :

S’il est avéré qu’il conduisait sans permis et en état d’ivresse, et qu’en plus il avait récidivé dans ce domaine, je crois que cet homme est un criminel qui ne devrait jamais sortir de prison de toute sa vie.

Je ne commenterai pas par elle-même la proposition du conseiller, La fixation des peines étant avant tout affaire politique et sociale. Chaque société est souveraine des punitions qu’elle entend apporter à des incriminations et Henri Guaino me semble tout à fait légitime, en tant que conseiller spécial du chef de l’Etat, pour se prononcer sur la question.

Gradations des peines

La gradations des peines ou proportionnalité des peines est un principe [ancien]. Lorsque qu’une société se met en place, elle est dotée d’un ensemble de valeurs, dépendant du contexte historique, culturel et social. En fonction de l’importance qu’elle accorde à ses valeurs, elle punira plus ou moins fortement les violations de ces principes.

Ceci pour deux raisons. Premièrement, c’est l’effet dissuasif de la peine encourue qui, en annonçant ce que l’on risque en fonction d’un comportement prohibé, dissuade son auteur de passer à l’acte.

Raisonnons par l’absurde : supposons une société basée sur le principe inviolable et sacré de la propriété privée. Que le vol d’un oeuf et le vol d’un boeuf soit puni de la même façon inciterait mécaniquement les voleurs à prendre pour un risque égal (même peine) le gain le plus élevé (le boeuf).

Et chacun sent de manière intuitive le principe selon lequel on punit d’autant plus sévèrement (nos enfants par exemple) en fonction de la place qu’occupe l’incrimination sur notre propre échelle subjective de valeur. Chaque société fonctionne, en matière pénale, de manière plus ou moins identique.

La prison à perpétuité pour homicide involontaire

Or, que nous propose Henri Guaino : la prison à perpétuité incompressible pour un chauffard ivre ayant renversé et tué trois personnes. Plusieurs conséquences s’impose donc, au regard de ce qui est développé auparavant :

  • On considère que la prison à perpétuité incompressible est la peine maximum dans notre société (c’est le cas actuellement). Dans ce cas, cela signifie que la conduite en état d’ébriété sur la chaussée entrainant la mort de trois personnes est l’incrimination qui heurte le plus les principes de notre société. Cela signifie également que désormais l’assassinant (homicide volontaire prémédité) ou le meurtre (homocide volontaire non prémédités) sont des incriminations  que l’on considère moins nuisibles à l’égard de la société. C’est envisageable en imaginant vivre dans une société guerrière sous la menace perpétuelle d’une invasion où le pouvoir se transmettrait par droit d’ainesse. On s’assurerait ainsi que le plus apte à donner la mort serait réprimé moins sévèrement que la maladroit qui ôte la vie par accident. Pourquoi pas ?
  • Soit on conserve l’échelle des valeurs de notre société, à savoir, entre autres que la vie est un bien sacrée et que l’on punit plus sévèrement celui qui donne la mort volontairement que celui qui le fait involontairement. A ce moment là, on est bien obligé donc d’imaginer une peine plus importante. Soit, rétablissons la peine de mort. Puis, il faudra punir plus sévèrement celui qui tue par préméditation. Rétablissons donc la peine de mort par écartèlement. Puis, il faudra punir plus sévèrement celui qui tue quelqu’un en  précédent son crime d’actes de torture : la peine de mort par écartèlement public pour l’auteur et l’exil pour sa famille ? J’avoue que mon imagination s’effrite tant il reste d’incriminations plus graves que l’homicide involontaire dans l’échelle pénale actuelle.

Personnellement, je ne souhaite ni l’un ni l’autre des systèmes proposés. J’invite Henri Guaino à développer davantage son modèle de société.

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